Une trêve temporaire : la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine

Theresa Shutt, MBA, CFA, directrice des placements

Une trêve temporaire

Dans une déclaration commune publiée lundi, les États-Unis et la Chine ont mis un frein à leur guerre commerciale, acceptant de réduire considérablement les droits de douane mutuellement imposés pendant 90 jours. Cet accord représente une concession majeure pour les deux superpuissances mondiales qui s’étaient imposé des droits de douane pouvant atteindre 145 %.

En plus d’alimenter la volatilité des marchés, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a paralysé près de 600 milliards de dollars d’échanges commerciaux bilatéraux, entraînant une chute des investissements des entreprises et une augmentation des licenciements, deux facteurs qui ont considérablement accru le risque de récession aux États-Unis. La menace d’une hausse des prix à la consommation et de rayons vides dans les magasins a accru la pression sur l’administration américaine pour qu’elle trouve une solution avec la Chine.

Si les marchés financiers ont réagi positivement à l’annonce de la trêve, une grande incertitude demeure quant à la possibilité de parvenir à un accord, compte tenu notamment des idéologies politiques opposées de ces deux pays.

Relations commerciales entre les États-Unis et la Chine : Un bref historique

Les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis couvent depuis le premier mandat de Donald Trump, lorsque des droits de douane ont été imposés pour la première fois sur les produits chinois.

À la suite des perturbations sans précédent de la chaîne d’approvisionnement causées par la pandémie, les États-Unis ont pris conscience de leur dépendance croissante vis-à-vis de la Chine pour tout, des masques chirurgicaux aux aimants. Cette prise de conscience n’a fait qu’aggraver les relations commerciales entre les deux pays.
Malgré les promesses faites par la Chine pendant le premier mandat du président Trump d’ouvrir son économie à davantage d’entreprises étrangères et d’importer davantage de produits américains, le Parti communiste a fait le contraire. Les dirigeants chinois ont décidé d’augmenter les subventions aux usines et de resserrer les chaînes de production afin d’accroître la dépendance mondiale à l’égard des produits chinois. Cette mesure a permis à la Chine de produire certains biens (p. ex., des panneaux solaires) à un prix si bas que de nombreux fabricants américains ont dû cesser leurs activités. En d’autres termes, il s’agit d’inonder le marché pour éliminer la concurrence.

En outre, le président Xi Jinping a ordonné au système bancaire contrôlé par l’État de prêter plus d’un billion de dollars américains à des emprunteurs industriels étrangers afin d’accroître encore la dépendance à l’égard du secteur manufacturier chinois.

Cette ligne de conduite agressive a été adoptée bien avant les droits de douane imposés par le président Trump à l’occasion du « Jour de la libération ». Comme l’a déclaré le Comité central du Parti communiste chinois, ces mesures ont été prises dans le but à long terme de dominer l’approvisionnement en biens essentiels afin de dissuader d’autres nations d’utiliser des droits de douane ou des sanctions à l’avenir. En « militarisant » la chaîne d’approvisionnement, les dirigeants chinois se préparent depuis des années à ce moment.

En tant qu’économie planifiée centralisée où le pouvoir est concentré au sommet, la Chine a pu mettre en œuvre avec succès ces politiques radicales sans rencontrer d’obstacles (même au détriment du niveau de vie de sa population).

Aujourd’hui, 70 % des économies mondiales commercent davantage avec la Chine qu’avec les États-Unis, contre seulement 15 % en 2001.

L’atout majeur de la Chine

En plus de riposter par des droits de douane massifs sur les importations américaines, la Chine était également prête à imposer des restrictions à l’exportation d’un large éventail de minéraux essentiels à la fabrication d’une vaste gamme de produits. Selon l’U.S. Geological Survey, la Chine représente près de 70 % de la production mondiale de terres rares, des minéraux essentiels à la fabrication de semi-conducteurs, de machines de traitement de données et aux progrès dans les domaines de la défense et de l’aérospatiale.

La Chine domine désormais également la production de batteries lithium-ion utilisées pour alimenter les véhicules électriques et les robots industriels, et elle rattrape rapidement les États-Unis dans le domaine des technologies d’intelligence artificielle.

Qui sortirait vainqueur d’une guerre commerciale?

Même si les États-Unis ont une économie plus grande et une influence plus importante sur le système financier mondial, ils sont en réalité beaucoup plus vulnérables dans une guerre commerciale avec la Chine.

L’avantage majeur de la Chine est que, contrairement aux États-Unis, qui appliquent des droits de douane à presque tous leurs partenaires commerciaux, elle ne se trouve en conflit qu’avec les États-Unis. De plus, les produits manufacturés chinois importés aux États-Unis sont généralement très spécialisés, comme les panneaux solaires, les batteries, les téléphones, les écrans et les lampes à DEL. À l’inverse, les États-Unis exportent vers la Chine des produits de base facilement substituables, tels que des produits agricoles, qui peuvent être facilement obtenus auprès d’autres fournisseurs sur le marché international.

Il ne faut pas oublier non plus que la Chine détient une part importante de la dette américaine. La Chine détient actuellement plus de 750 milliards de dollars de bons du Trésor américain et plusieurs centaines de milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires, qui, s’ils étaient vendus, pourraient perturber considérablement le marché obligataire américain.

La rivalité entre ces deux géants s’est désormais étendue à la sphère mondiale, les pays étant contraints de choisir leur camp. Les États-Unis font pression sur les nations pour qu’elles imposent des droits de douane à la Chine, tandis que la Chine menace de punir celles qui le font.

Bien que les États-Unis et la Chine aient conclu une trêve, l’issue des négociations est très incertaine, les deux dirigeants étant connus pour leurs points de vue dogmatiques et inflexibles. Alors que Trump a promis de « Rendre sa grandeur à l’Amérique » (Make America Great Again), le président Xi s’est engagé à poursuivre « le grand renouveau de la nation chinoise ». Dans la mesure où ces objectifs sont contradictoires, il pourrait être impossible de trouver une solution.

D’un point de vue mondial, les enjeux ne pourraient être plus importants. Si elle n’est pas résolue, une guerre commerciale entre ces deux géants économiques pourrait entraîner un ralentissement de la croissance mondiale, une inflation et des perturbations massives des chaînes d’approvisionnement. Il existe également un risque important que, si certains produits ne peuvent pas entrer aux États-Unis, les entreprises chinoises « déversent » (dumping) ces marchandises sur le marché mondial, alimentant ainsi les faillites d’entreprises à l’échelle mondiale.

Tous les dirigeants gouvernementaux suivront de près l’évolution des négociations. Si la Chine sera plus directement touchée par une guerre commerciale, il est apparu clairement au cours du mois dernier que les États-Unis ont une tolérance beaucoup plus faible à la douleur économique. Si le bon sens l’emporte (plutôt que les fanfaronnades et les bravades), un accord pourrait être à portée de main. Nous avons vu le président Trump négocier avec succès un accord final avec la Grande-Bretagne et nous espérons que cette tendance se poursuivra.

Si vous souhaitez discuter de votre portefeuille, veuillez directement avec votre conseiller en investissement.

Avis de non-responsabilité

Moi, Theresa Shutt, ai rédigé ce commentaire pour vous faire part de mes réflexions sur diverses options de placement et considérations qui pourraient être pertinentes pour votre portefeuille. Ce commentaire reflète uniquement mon point de vue et ne reflète pas nécessairement celui de Gestion de Patrimoine Harbourfront. En exprimant ces opinions, je fais appel à mon meilleur jugement et à mon expérience professionnelle, du point de vue d’une personne qui examine un large éventail d’investissements. Par conséquent, ce commentaire reflète mes opinions éclairées et ne constitue pas une analyse produite par Gestion de Patrimoine Harbourfront.